La première demeure spirituelle de la servitude est le réveil -yaqaza-. C’est l’émotion qu’éprouve le cœur quand il s’aperçoit avec stupéfaction de l’état d’indifférence dans lequel il sombrait. Par Allah ! Combien est bénéfique cette stupeur ! Combien est grande sa valeur et combien elle est déterminante ! Comme elle est utile en matière de cheminement spirituel ! Celui qui la ressent ne doit certes pas tarder à sentir venir la réussite. Sinon il sombrerait encore dans l’ivresse de l’indifférence.
Un
serviteur qui connaît ce genre de réveil entreprend avec énergie, en vue
de plaire à Allah, le voyage vers ses premières demeures et patries
d’où il a été chassé [par satan et ses alliés]. Il se prépare alors au
voyage et passe à la demeure de la résolution, à savoir la détermination
ferme d’accomplir le voyage, de quitter tout ce qui peut l’en empêcher
ou le gêner et d’emmener avec lui tout ce qui peut l’aider et le guider.
C’est en fait sa lucidité et son état d’éveil qui déterminent sa
résolution et c’est la force de sa résolution qui détermine sa
préparation.
Lorsque
le serviteur se réveille, le réveil implique pour lui la pensée, à
savoir la concentration du cœur sur l’objectif pour lequel il se prépare
de manière globale, sans parvenir encore à connaître ses détails et le
moyen d’y accéder.
Une
fois que sa pensée se précise, elle lui ouvre le chemin de la
clairvoyance qui est une lumière projetée dans le cœur par laquelle il
perçoit la Promesse et la Menace [divines], le Paradis et l’Enfer, ce
qu’Allah a préparé dans la première demeure pour Ses alliés et ce qu’Il a
préparé dans la deuxième demeure pour Ses ennemis. Il voit alors les
gens sortir de leurs tombes, la tête baissée, répondant à l’appel du
Réel — exalté soit-Il — ; les anges descendre des cieux et les cerner ;
la terre resplendir de la lumière de son Seigneur ; le livre [des
œuvres] déposé [devant leurs auteurs] ; les Prophètes et les témoins
appelés ; la balance dressée ; les registres en vol ; les adversaires en
comparution ; les créanciers agrippés à leurs débiteurs ; la Vasque et
ses coupes à la portée des mains des assoiffés dont peu d’entre eux
reçoivent l’autorisation d’en boire ; le pont jeté pour la traversée,
les gens poussés vers lui, chacun recevant la part de la lumière qu’il
mérite pour le traverser au milieu des ténèbres, l’Enfer grondant sous
le pont, ceux qui y sont précipités dépassant largement ceux qui en
échappent. Ainsi s’ouvre dans son cœur un œil par lequel il voit tout
cela et il s’érige alors dans son cœur une vertu contemplative de
l’Au-delà qui lui fait voir la vie future et sa pérennité puis, en même
temps, la vie d’ici-bas et sa finitude.
La
clairvoyance est une lumière qu’Allah projette dans le cœur qui perçoit
grâce à elle la réalité de ce que les Envoyés ont apporté comme s’il en
était un témoin oculaire. Ainsi il prend conscience du bénéfice dont il
pourra jouir s’il suit la voie à laquelle ont appelé les Envoyés et le
dommage qu’il risquerait de subir si jamais il déviait de cette voie.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la parole d’un des pieux gnostiques : «
La clairvoyance, c’est le fait de s’apercevoir à quel point on peut
jouir d’une chose et à quel point on peut en pâtir. » Certains d’entre
eux ont dit : « La clairvoyance, c’est ce qui te délivre de
l’hésitation, que ce soit par une certitude inspirée par la foi ou par
une certitude acquise par une vision oculaire. »
Parmi
les degrés du réveil du serviteur, il y a celui de la connaissance des
actes qui ont permis soit l’augmentation de sa foi soit sa diminution.
Ainsi il essaie de se rattraper pendant les jours précieux qui lui
restent de sa vie et veille à ne pas perdre la moindre heure, voire le
moindre souffle, dans ce qui ne le rapproche pas d’Allah. Les gens qui
tombent dans la perdition ont en commun la négligence, bien que certains
soient dans une situation pire que d’autres. Tout souffle qui se dégage
du serviteur dans ce qui ne le rapproche pas d’Allah, sera pour lui une
source de remords accablants le Jour de son retour ultime et un arrêt
dans son cheminement sur la voie, ou un retour en sens inverse s’il
continue ainsi, ou un obstacle s’il meurt dans cette situation.
S’il
réussit en cette station et s’installe en cette demeure, elle lui
donnera vue sur la station de la repentance. Car par un examen de
conscience, il fera la distinction entre ce qui est à son avantage et ce
qui ne l’est pas. Il ne lui reste qu’à se concentrer sur elle pour s’y
installer et l’observer jusqu’à sa mort.
La
demeure spirituelle de la repentance est l’une des premières demeures.
Elle fait également partie des demeures médianes et dernières. Le
serviteur qui chemine sur la voie d’Allah ne s’en sépare pas. Il reste
dans cette demeure jusqu’à la mort. Même lorsqu’il passe d’une demeure à
une autre, il l’emmène avec lui et fait halte en sa compagnie. Le
repentir est en effet le début du serviteur et sa fin. Le besoin de se
repentir à la fin de sa vie est aussi nécessaire que son besoin de se
repentir au début de sa vie ; Allah le Très-Haut a dit : " Et repentez-vous envers Allah, vous les croyants, peut-être réussirez-vous. " [1]
Ce verset figure dans une sourate qui a été révélée après l’hégire,
cela signifie qu’Allah s’adresse par ces paroles aux gens de la foi et
aux meilleures de Ses créatures. Il leur demande de se repentir après
qu’ils aient embrassé la foi, fait preuve de constance, accompli
l’hégire et mené le djihad. Allah a subordonné la réussite et le salut
au repentir à titre de subordination de l’effet à sa cause et Il a
employé pour cela la particule « la`alla » (traduite par «
peut-être ») qui exprime l’espoir, c’est comme s’Il leur disait : « Si
vous vous repentez, vous pouvez espérer la réussite », ce qui veut dire
que seuls les repentants peuvent espérer la réussite — qu’Allah nous
range parmi eux ! —.
Allah — exalté soit-Il — a dit : " Quant à ceux qui ne se repentent pas, ceux-là sont les injustes. " [2]
Ainsi Allah a divisé les serviteurs en deux catégories : les repentants
et les injustes — il n’y a point de troisième catégorie —. Il a
appliqué le nom « injuste » à celui qui ne se repent pas, et certes
personne n’est plus injuste que lui, en raison de son ignorance de son
Seigneur, du droit qu’Il a sur lui, des défauts de son âme et de la
malignité de ses œuvres.
Il est rapporté dans le sahîh [de Muslim] que le Prophète
a dit : « Ô gens, repentez-vous à Allah ! Par Allah, je me repens à Lui plus de cent fois par jour. » [3]
Les Compagnons avaient compté que l’Envoyé d’Allah
disait cent fois au cours d’une seule assemblée : « Seigneur,
pardonne-moi et accorde-moi Ton repentir ! Tu es Pardonnant et
Tout-Miséricordieux. » [4]
Depuis qu’il a reçu comme révélation la sourate suivante : " Lorsque
viendra le secours victorieux d’Allah ainsi que l’ouverture, et que tu
verras les gens entrer en masse dans la religion d’Allah, glorifie par
la louange ton Seigneur et implore Son pardon car Il accorde volontiers
Son repentir " [5], le Prophète
n’a pas effectué une prière sans y faire l’invocation suivante : « Ô
mon Dieu, je Te glorifie, mon Seigneur, en usant de la louange que Tu
t’es adressée à Toi-même et je Te demande de me pardonner. » [6]
Il est authentiquement rapporté qu’il (
)
a dit : « Nul n’aura le salut par son action. — Même pas toi, ô Envoyé
d’Allah ? dirent [les Compagnons]. — Même pas moi, répondit-il, à moins
qu’Allah ne me couvre de miséricorde et de grâce. » [7]
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[1] Coran, an-nûr, 31.
[2] Coran, al-hujurât, 11.
[3] Hadith rapporté par Muslim — Livre du dhikr —.
[4] Hadith rapporté par at-Tirmidhî — Livre des invocations-, Ahmad dans son musnad (1/388-394-410-434-455) (2/84) avec une chaîne d’autorités fiable.
[5] Coran, an-nasr.
[6] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre de l’appel à la prière — et Muslim — Livre de la prière —.
[7] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre des exhortations attendrissantes — et Muslim — Livre des qualités des hypocrites —.
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